La vie des cartes postales se manifeste parfois dans des documents plutôt inattendus et dont la lecture peut paraître rébarbative. Cependant au milieu d’un fatras de textes d’un style très administratif surgit parfois, tel un arc en ciel après l’orage, un bel hommage à la carte postale.
Jugez-en vous-même en parcourant le BULLETIN MUNICIPAL OFFICIEL DE LA VILLE DE PARIS N° 155 en date du 09/06/1904 :
« L’enseignement par l’image que préconisent actuellement les meilleurs esprits, s’impose d’une façon toute particulière dans les écoles communales. Là, en effet, il s’adresse à des milliers d’élèves qui, presque tous obligés de restreindre leurs études au cycle primaire, n’auront plus ensuite que des occasions intermittentes et des moyens incomplets de poursuivre par eux-mêmes leur instruction. Mais, ce que leurs yeux d’écoliers auront en quelque sorte appris comme en se récréant, leur cerveau le retiendra sans effort, et leur imagination, habituée peu à peu à s’exercer sur des évocations précises et choisies, s’ennoblira en s’enrichissant du souvenir concret de choses belles qu’ils eussent risqué d’ignorer longtemps.
On est malheureusement amené à constater que ce risque d’ignorance est généralement subi par ceux de nos concitoyens qui savent le moins de PARIS, de ses monuments, de ses statues, de ses deuils et de ses gloires. Sortis tout jeunes de l’école, absorbés par le travail et par les impérieuses nécessités de l’existence, ils passent et s’en vont par nos rues en paraissant étrangers à leur propre cité.
Il est donc nécessaire de remédier à cette lacune regrettable en stimulant la curiosité, en éclairant l’intelligence des enfants par des procédés simples et instructifs. Ce sera faire œuvre utile que de les initier aux aspects de la beauté, aux souvenirs historiques dont s’illustre notre ville. La démocratie a droit à cette connaissance générale des hommes et des choses dont elle émane ; et en dehors des études longues et coûteuses auxquelles tous ne peuvent se consacrer, il semble facile de créer, a peu de frais, une diffusion populaire de l’art et de la pensée qui rayonnent de toutes parts sur les pierres et dans les fastes de PARIS.
Le moyen en est fourni par la carte postale illustrée, dont l’usage est si profondément entré dans nos habitudes qu’elle est devenue l’agent vulgarisateur par excellence de l’architecture et de la géographie.
Mais, telle qu’elle a été présentée jusqu’ici, c’est-à-dire réduite à n’être qu’une simple vignette, un muet cliché photographique, elle demeure forcément incomplète, puisqu’elle ne reproduit un monument, par exemple, que dans ses formes matérielles, sans faire participer à la vie mystérieuse et lointaine que lui ont léguée les siècles ou que lui ont prêtée nos aïeux.
Un poète a eu l’heureuse idée de parachever l’influence éducatrice de la carte postale.
Monsieur Philippe DUFOUR, employé des Ponts et Chaussées, auteur de deux beaux volumes de vers : « Poèmes Légendaires », « De songe en songe », dont l’un a été couronné par l’Académie Française, vient de publier, dans une édition irréprochablement soignée, une série de 50 cartes postales de PARIS, rehaussée chacune d’un sonnet approprié au sujet représenté. Ainsi, le texte et l’image, l’un commentant l’autre, se complètent et satisfont simultanément les yeux et l’esprit. Cette remarquable collection constitue un tout homogène et nouveau, d’un aspect attrayant et varié, d’une lecture captivante et fructueuse.
Avec un talent puissant et souple, un charme sans cesse renouvelé, une érudition sûre, Monsieur Philippe DUFOUR a produit une œuvre qui n’avait jamais encore été tentée, de forme impeccable, d’inspiration originale, de haute valeur esthétique, en un mot, une véritable œuvre d’art que devront consulter désormais tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de PARIS. Car c’est là une monographie précieuse, tout à la fois poétique, pittoresque et vivante, où le présent et le passé de la grande cité apparaissent d’une manière digne d’elle, c’est-à-dire en gloire et en beauté.
Il serait bon de propager une telle œuvre parmi les enfants, aussi ai-je l’honneur de proposer au Conseil Municipal d’acquérir les cartes postales sonnets de Monsieur Philippe DUFOUR.
La distribution de cartes postales en remplacement des bons points, qui ont l’inconvénient des passer de mains en mains, ne constituerait pas un fait nouveau. Distribuées à titre de récompense scolaire aux élèves de nos écoles communales, elles apprendront à ceux-ci l’histoire de leur ville natale, et la génération qui grandit saura ainsi mieux connaître et aimer PARIS.
Ci-joint un exemplaire de chacune des 50 cartes postales sonnets et un spécimen d’une carte distribuée à l’école communale de la rue d’Alésia. Je dépose en conséquence la proposition suivante : le Conseil délibère : L’Administration est invitée à étudier le remplacement partiel des bons points délivrés aux élèves des écoles municipales par les cartes postales sonnets de M. Philippe DUFOUR consacrées aux » vues de Paris ». Signé : JOLIBOIS.
Renvoyée à la 4ème Commission et à l’Administration. »
Vous noterez que même le nom de l’élu, auteur de cette proposition évoque une vision de conte de fée. Nous ignorons la suite donnée à cette affaire, mais si M. JOLIBOIS n’était pas réélu, il pouvait toujours se reconvertir dans la profession d’agent artistique car il ne manquait pas de talent pour mettre en valeur les travaux de Philippe DUFOUR, poète cartophile.
J’adore découvrir des cartes postales évoquées dans des ouvrages où on ne s’attend pas à les rencontrer. Reconnaissons que le BULLETIN OFFICIEL DE LA VILLE DE PARIS, ne constitue pas la « bible » des collectionneurs. Cependant on peut y noter plusieurs informations :
- Premièrement, cette série ne semble pas comporter de titre générique du genre « Paris Vécu » ou « La Seine à travers Paris ».
- Deuxièmement, il semble que la série soit de 50 cartes.
En plongeant dans mes boites, j’ai pu constater que les cartes sont bien numérotées, mais j’ai découvert un numéro 62, ce qui démontrerait que Philippe DUFOUR a dépassé les 50 numéros. De plus, j’ai noté que sur certaines cartes le texte est imprimé à l’encre rouge, sur d’autres il s’agit d’un texte à l’encre noire. Autre curiosité la n°15 Le Panthéon se présente en rouge avec un cliché vertical, et en noir avec un cliché horizontal le texte du poème restant le même. Je précise que les cartes ont été imprimées par NEURDEIN Frères.
On peut ajouter qu’en dépit du souhait de M.JOLIBOIS, à ma connaissance les cartes postales n’ont pas remplacé les « bons points ». Ces fameux bons points qui passaient de mains en mains et qui à force d’être manipulés, triturés, exhibés fièrement, et souvent obtenus de haute lutte, présentaient une triste mine avec leurs angles écornés pour avoir trop longtemps séjournés aux fonds des poches ou des cartables.
Enfin, en ce qui concerne les cartes postales, dans ma jeunesse, dans toutes les écoles modestes, faute d’ordinateurs, faute de projecteurs diapos, (en un mot faute d’argent), il y avait toujours dans un placard une boite à chaussures bourrée de cartes postales où le Maitre puisait pour illustrer ses leçons d’histoire ou de géographie, et qu’il faisaient circuler sous les yeux de ses élèves. Ah ! Non, ce n’étaient pas ni des MUCHAS, ni d’autres moutons à cinq pattes que s’arrachent les collectionneurs de nos jours. C’étaient tout simplement des vues classiques, d’apparence banale mais qui contribuaient à nous documenter, à nous informer et à améliorer notre culture générale, et parfois même à nous faire rêver.
Actuellement les images animées sont omniprésentes dans l’enseignement. Les élèves en acquièrent-ils pour autant de meilleures connaissances ? Ce n’est pas à moi de répondre à la question. Tout ce que je puis dire, c’est qu’il est bien loin le temps où j’usais mes fonds de culotte sur le banc de la classe, cependant je découvre toujours quelque chose que j’ignorais en continuant de m’intéresser aux cartes postales.
Pour les amoureux de Paris ainsi que les amateurs de poésie, nous publions ci-après, la liste incomplète des cartes de Philippe DUFOUR. Si certains d’entre vous souhaitent contribuer à son achèvement, c’est avec plaisir que nous accueilleront vos communications.
Liste des cartes postales de Paris avec poème de Philippe DUFOUR
Avec légende et poème imprimés à l’encre rouge (H : format Horizontal | V : format Vertical | DNS : Dos non séparé).
A noter qu’il existe des tirages avec des versos ne comportant de séparation pour l’adresse et la correspondance qui de toute évidence constituent l’édition la plus ancienne (avant 1904) et que l’on peut également trouver des cartes postales dont le verso comporte cette séparation, c’est-à-dire après 1904. A chaque fois que nous avons rencontré une carte avec un dos non séparé nous l’avons précisé par le sigle : DNS.
Ceci doit nous conforter dans l’idée que les Editions NEURDEIN ont effectué plusieurs tirages. Ce qui explique des différences de clichés selon les tirages. Il arrivait, parfois au cours des manipulations chez l’imprimeur que les clichés soient abimés et deviennent inutilisables. Cependant les nombreux photographes travaillant pour les Editions NEURDEIN n’étaient pas en manque de clichés et ils en proposaient immédiatement un autre.
On comprend également pourquoi M.JOLIBOIS en juin 1904 n’évoque qu’une série de 50 cartes postales.
Edit du 27/06/2016 : en bleu apparaissent les titres de M. LE PEUC’H Michel que nous remercions infiniment pour son aide, dans les commentaires ci-dessous.
- Ile de la Cité (H)
- Jardin du Luxembourg, Fontaine de Médicis (V)
- Les champs Elysées (H)
- Notre Dame (H)
- L’obélisque (V)
- La Tour de Jean-Sans-Peur (V)
- La Seine (H)
- Thermes de Lutèce et Statue de Julien l’Apostat (H)
- Arc de Triomphe (H) DNS
- Le Pont Neuf (H)
- Le Palais du Louvre et les Tuileries (H)
- Les Halles (H)
- La Tour Eiffel (V) (et version H avec cliché différent)
- La fontaine des Innocents
- Le Panthéon (V)
- Les invalides (V)
- Le Quai aux fleurs et le Châtelet (V)
- La Butte Montmartre (V)
- Le Boulevard des Capucines et le Grand Hôtel (H)
- Cimetière du Père Lachaise (H)
- Jardin du Luxembourg, le monument Leconte de Lisle par Denys PUECH (V)
- Place de la Bastille (H)
- Cimetière du Père Lachaise, Tombeau d’Héloïse et d’Abailard (H)
- Cimetière du Père-Lachaise (H) DNS
- Statue de Jeanne d’Arc (V)
- L’Hôtel de Ville (H)
- N°27
- La statue de Lamartine par Marquet de Vassetot (V)
- La Sainte-Chapelle (V)
- La Statue de Dante (V)
- L’Arc de Triomphe (H)
- Le Palais de l’Institut (H)
- Ancienne Porte et rue Montmartre (V) DNS (voir reproduction ci-dessous)
- Le Pot Alexandre (H)
- Le Luxembourg (H)
- Place Breteuil, monument élevé à la mémoire de Pasteur (V)
- Le Lion de Belfort par BARTHOLDI (H)
- La Nef de l’Eglise Notre-Dame (V)
- Façade de l’Hotel des Invalides (H)
- Musée du Louvres, Diane au Cerf par Jean Goujon
- La Statue de SHAKESPEARE par P.FOURNIER (V)
- La Statue de WASCHINGTON par FRECN (V)
- L’Hotel de Sens (V)
- L’Eglise Saint-Séverin (V)
- Le Musée de CLUNY (H)
- Le Guichet des Tuileries (H)
- Fontaine de la rue de Grenelle Saint Germain par E. BOUCHARDON (V)
- Place des Vosges, Ancienne Place Royale (H)
- Boulevard des Italiens (H)
- N°50
- Théâtre Français, médaillon de Victor-Hugo par Denys Puech (V)
- Théâtre Français, médaillon de Molière par Denys Puech (V)
- Théâtre Français, médaillon de Racine par Denys Puech (V)
- Théâtre Français, médaillon de Corneille par Denys Puech (V)
- Ancien Hotel de Rohan, les Chevaux du Soleil. Robert Le LORAIN, Sculpt. (H)
- Place Breteuil, Monument élevé à la mémoire de Pasteur, par souscription internationale
- Square Monge, la Statue de François Villon (1431-1484) (V)
- Place de la Nation, le Triomphe de la République (V)
- Eglise de la Sorbonne, le Tombeau de Richelieu (H)
- Le Jardin des Tuileries (H)
- Rue des Archives Fontaine des Haudriettes (V)
- Les Tuileries, le Charmeur d’Oiseaux (H)
- L’Ile Saint Louis (H)
LE PEUC'H Michel
1 25 juin 2016n°2 : Jardin du Luxembourg, Fontaine de Médicis
n°4 : Notre Dame
n°5 ; L’obélisque
n°14 : La fontaine des Innocents
n°16 : Les invalides
n° 20 : Cimetière du Père Lachaise
n° 21: Jardin du Luxembourg, le monument Leconte de Lisle par Denys PUECH
n°23 : Cimetière du Père Lachaise, Tombeau d’Héloïse et d’Abailard.
n° 27 :
n° 28 : La statue de Lamartine par Marquet de Vassetot
n° 29 : La Sainte-Chapelle
n° 31 : L’Arc de Triomphe
n° 35 : Le Luxembourg
n° 38 : La Nef de l’Eglise Notre-Dame
n° 39 : Façade de l’Hotel des Invalides
n° 40 : Musée du Louvres, Diane au Cerf par Jean Goujon
n° 43 : L’Hotel de Sens
n° 44 : L’Eglise Saint-Séverin
n°48 : Place des Vosges, Ancienne Place Royale.
LE PEUC'H Michel
1 25 juin 2016n° 50
n° 51 : Théâtre Français , médaillon de Victor-Hugo par Denys Puech (V)
n° 52 : Théâtre Français , médaillon de Molière par Denys Puech (V)
n° 53 : Théâtre Français , médaillon de Racine par Denys Puech (V)
n° 54 : Théâtre Français , médaillon de Corneille par Denys Puech (V)
n° 55 : Ancien Hotel de Rohan , les Chevaux du Soleil . Robert Le LORAIN, Sculpt. (H)
n° 56 : Place Breteuil, Monument élevé à la mémoire de Pasteur, par souscription internat.
n° 57 : Square Monge, la Statue de François Villon (1431-1484)(V)
n° 58 : Place de la Nation, le Triomphe de la République (V)
n° 59 : Eglise de la Sorbonne, le Tombeau de Richelieu (H)
n° 60 : Le Jardin des Tuileries (H)
DEFLANDRE Chrstian
1 26 juin 2016La réponse ne s’est pas fait attendre trop longtemps! Nous adressons nos remerciements et nos félicitations à M. Michel LEPEUC’H qui vient de compléter cette liste jusqu’au numéro 60 inclus. Voilà qui permettra aux visiteurs du Site d’être amplement informés. C’est par ce genre de communication et d’entraide que l’on peut faire avancer les connaissances en cartophilie. Encore une fois merci et toutes nos cordiales félicitations.
LE PEUC'H Michel
1 28 juin 2016Des petites précisions de format :
2 (V) 38 (V)
4 (H) 39 (H)
5 (V) 43 (V)
16 (V) 44 (V)
20 (H) 48 (H)
21 (V)
23 (H)
28 (V)
29 (V)
31 (H)
35 (H)
et la 56 : Place Breteuil, Monument élevé à la mémoire de Pasteur, par souscription internationale.
LE PEUC'H Michel
1 28 juin 2016Et si je peux me permettre une petite publicité :
Je rassemble depuis trente ans des informations et documents sur la Maison NEURDEIN et je les partage sur mon blog :
Le site est déjà riche mais il va encore se développer dans les prochains mois.
Claude PRAMPART des Sables d’Olonne vient de me céder une partie de sa collection. Les plus anciennes de Neurdein.
Il est sans doute le plus grand spécialiste de France voire du monde sur cette prestigieuse maison.
C’est lui qui le premier a établi une classification des dos : à découvrir sur le blog.
Le blog établit également une passerelle entre les premières photographies de Neurdein et l’apparition des premières cartes postales.
Les cartophiles ne vont pas s’ennuyer…!!!