Vous avez peut-être eu l’occasion de vous rendre en vacances dans un pays autour de la Méditerranée ou ailleurs, et d’en profiter pour adresser quelques cartes postales à vos amis et relations. Quelle déception à votre retour de constater que les cartes ne sont pas encore arrivées à destination, que dans le meilleur des cas elles parviennent à leurs destinataires avec plusieurs jours de retard, et dans le pire des cas elles n’arrivent jamais. Pourquoi, comment ? Cela restera pour toujours un mystère, car aucune administration Française ou étrangère ne se lancera dans une enquête pour quelques cartes postales, se contentant de se rejeter mutuellement la responsabilité du retard ou des pertes.
Pour ne considérer que la Poste Française, déjà avant 1914, les expéditeurs de cartes postales se plaignaient des retards dans la distribution du courrier. Et pourtant on avait inventé la carte pneumatique qui circulait dans Paris, d’un bureau de poste à un autre, dans des tubes à air comprimé. Ce mode de locomotion était bien évidemment le plus rapide. Le service avait été créé en 1879. Devant le succès rencontré auprès des utilisateurs, d’année en année, tous les arrondissements de Paris et les communes de proche banlieue avaient été connectées au réseau.
LES SOUS SECRETAIRES D’ETAT AUX POSTES ET TELEGRAPHES
Du 5 Août 1898 au 7 Juin 1902, Léon MOUGEOT, Sous-secrétaire d’Etat aux Postes et Télégraphes poursuit l’amélioration du système. Il est également à l’origine de la création d’un nouveau modèle de boite aux lettres surnommé : « Les Mougeottes ». Sur son initiative on installe à Paris Rue du Louvre, un distributeur automatique de timbres et de cartes lettres, actionné par un courant d’air fourni par une pompe. Léon MOUGEOT est qualifié d’innovateur. En 1902, il est nommé Ministre de l’Agriculture. Sa contribution au développement des pneumatiques fait que le caricaturiste ORENS, l’imagine dans ses nouvelles fonctions, creusant la terre pour y enfouir des « carottes pneumatiques ».
Du 7 Juin 1902 au 25 Octobre 1906, c’est Alexandre BERARD que nous vous avions déjà présenté dans l’article consacré au « RECTO VERSO des cartes postales » qui lui succède. Il a pour mission de poursuivre l’œuvre de son prédécesseur et de l’améliorer si possible. Le caricaturiste ORENS, pour qu’il n’y ait pas de jaloux, croque également le nouveau Secrétaire d’Etat aux Postes et télégraphes, en mettant l’accent sur l’installation des poteaux téléphoniques.
LA VITESSE RELATIVE ET SES FREINS
Cependant les utilisateurs se plaignent toujours de la lenteur de l’acheminement des cartes pneumatiques.
Il est facile d’imaginer que le service des pneumatiques comprend de nombreux kilomètres de tubulures, en perpétuelle évolution et que l’utilisation se complique au fur et à mesure que le réseau s’étend. Il suffit d’une erreur d’orientation au départ d’un tube et avant que la carte postale retrouve la bonne direction il peut s’écouler pas mal de temps. En principe, une fois arrivée dans le bon bureau, la carte était portée au domicile du destinataire par un jeune employé des postes.
Sur la carte ci-dessous dessinée par un certain D.MURER on peut voir le préposé au pneumatique à gauche qui actionne l’appareil propulseur, et à droite les jeunes gens qui attendent qu’on leur remette une carte postale à aller porter.
Quand la carte pneumatique est prise en compte par le livreur pour être remise au destinataire, ce dernier part à pied. Entre le bureau de poste et le domicile du destinataire, il peut se produire différents « incidents de parcours » de nature à ralentir la rapidité d’exécution de la tâche. C’est le cas par exemple de ce petit télégraphiste qui rencontre en chemin un ami pâtissier parti livrer une brioche. Alléché par la bonne odeur du gâteau que son camarade lui met sous le nez, il semble qu’une conversation s’engage entre les deux livreurs, et pendant ce temps quelqu’un quelque part, s’impatiente de ne pas voir arriver la brioche commandée, et ailleurs on attend toujours de voir arriver le pneumatique.
Voilà comment les inventions les plus performantes se trouvent ralenties par les petites faiblesses humaines.
Il faut noter que l’on appelait à leur création les pneumatiques « cartes télégrammes », car il s’agissait bien de cartes. Par la suite on appelait « cartes-pneumatiques », ce qui ressemblait davantage à une lettre car le secret de la correspondance était protégé par une fermeture auto collante, comme nous vous le montrons dans l’exemple ci-dessous.
Evidemment les humoristes ne manquaient pas de mettre en évidence les retards du courrier, y compris celui des pneumatiques. Si les cartes postales arrivent avec du retard, que faut-il dire en ce qui concerne les colis postaux ?
UN PEU D’HUMOUR
C’est dans une amusante fable, à la manière de Jean de la Fontaine, parodiant le Lièvre et la Tortue, qu’un journaliste du PELE MELE, en date du 25/02/1906, nous livre : « La carte pneumatique et le colis du commissionnaire » dédié bien évidemment à M.BERARD Sous-secrétaire d’Etat aux P. et T. :
Rien ne sert de courir, il faut partir à point.
La carte et le colis en sont un témoignage.
« Gageons, dit celui-ci que vous n’arrivez point
Malgré votre vitesse, avant moi, rue Soulages.
-Vous ririez, dit la carte légère,
De me voir arriver la dernière.
Eh ! Quoi ! Vous voudriez me gagner de vitesse,
J’accepte le pari, néanmoins je confesse
Que d’ici, dans une heure tout au plus m’en allant,
Je vous devancerais encore en m’amusant.
Le colis dans les bras d’un vieillard consciencieux
Se hâta lentement, marchant silencieux
Son train de Sénateur.
Quant à la carte, moins pressée,
De poste en poste promenée,
Flânant, fumant et voyageant
Dans les recoins s’endormant,
Oubliait jusqu’à la gageure.
Lorsqu’il ne resta plus qu’une heure
Pour arriver au terme de son gai voyage
Elle partit comme un trait ; voyez d’ici sa rage
Quand arrivant à domicile,
Elle vit le colis plus agile
Qui depuis un moment guettait son arrivée
Et semblait tout heureux de l’avoir devancée.
« Petit bleu ! Cria-t-il, vous êtes en retard
Le commissionnaire antique
L’emporte sur le tube pneumatique
« Hélas ! Hélas ! Pauvre Monsieur BERARD ! »
Comme toujours la fable est moralisatrice. Elle comporte une consolation, à savoir qu’à la fin du récit la carte postale pneumatique finit quand même entre les mains de son destinataire. On ne peut pas en dire autant de nos jours, surtout si les cartes que vous aviez postées lors de vos dernières vacances ne sont toujours pas arrivées… Ne les attendez plus !
Cependant nous ne terminerons pas sur une note négative. Au contraire, nous sommes dans l’obligation à titre de collectionneurs cartophiles de tirer un grand coup de chapeau aux postiers d’autrefois. Lorsque l’on voit l’extrême fragilité de certaines cartes postales anciennes, surchargées de différents ajouts : herbes et fleurs séchées, plumes d’oiseaux, dentelles et rubans, chromos collés sur du celluloïd, cartes en bois ou en cuir, et qu’il nous est donné de constater qu’après leur voyage postal elles sont parvenues à destination en parfait état, alors : Bravo Messieurs les facteurs de la Belle Epoque.
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Ritva Rouhunkoski
0 2 mars 2016Bonjour d’Helsinki,
Merci pour l’intéressante histoire de la carte postale pneumatique, qui n’existait pas chez nous en Finlande.
Je viendrai visiter Antibes au printemps, peut-être on va se revoir au musée.
Avec mes meilleures salutations,
Ritva Rouhunkoski
DEFLANDRE Christian
0 2 mars 2016Bonjour Madame, et Merci de vos encouragements. Je tente d’explorer et de raconter toutes les petites histoires que peuvent évoquer les cartes postales et je les partage avec les visiteurs de ce site. Meilleures salutations C.D.