Il s’agit d’une carte postale moderne (15×10 cm) provenant d’une série comportant au moins 8 cartes différentes. On y découvre au verso un extrait d’un poème de Pablo NERUDA :
« Mon cœur se tient dans cette lutte. Mon peuple vaincra. Tous les peuples vaincront l’un après l’autre ».
Pablo NERUDA
Comme très souvent, dans ces cartes militantes, il n’est fait mention d’aucun éditeur, ni aucun imprimeur, pour éviter des suites ou des conséquences non désirées. Le graphisme de l’illustration, volontairement anonyme également, fait penser aux affiches qui couvraient les murs de Paris à l’occasion des « évènements de Mai 1968 ». Ce dessin simplifié, provocateur, invoque une idée de révolte avec ces personnages qui exhibent leurs poings levés. Peut-être qu’un de nos lecteurs pourra identifier l’auteur de ce dessin. Si tel était le cas, qu’il nous le communique et nous le publierons.
Il est probable que cette série de cartes a été éditée, juste avant ou juste après, l’attribution du Prix Nobel de Littérature en 1971 à Pablo NERUDA comme consécration de son œuvre.
C’est sans nul doute une expérience étonnante pour un jeune enfant, de découvrir par hasard une « accumulation » de cartes postales ayant été utilisées. Je précise bien une « accumulation ». Car en principe une collection est le fruit de recherches passionnées et se trouve le plus souvent présentée dans un bel album. En revanche les accumulations, sont des cartes postales en vrac, non classées que l’on a hésité à jeter et qui traînent dans un coin de grenier. De nos jours les greniers se font de plus en plus rares.
Personnellement, vers l’âge de 10 ans, dans le grenier d’une maison de famille, bravant l’obscurité ambiante, où séjournaient des araignées qui me semblaient monstrueuses, je me souviens d’avoir découvert un album fourre-tout, rempli de cartes postales d’avant 1920. Ce qui m’a le plus frappé ce jour-là, c’est l’extrême diversité d’images, n’ayant effectivement aucun rapport entre elles, si ce n’est le fait d’avoir été adressées au même destinataire. Et je fus surtout frappé par des photos de navires de guerre, dotés d’impressionnants blindages pointant leurs canons menaçants vers un ennemi imaginaire.
Inutile de vous rappeler ici, avec quel bonheur de nombreux poètes et écrivains tels qu’André BRETON, Paul ELUARD ont pris du plaisir à s’intéresser aux cartes postales anciennes considérées pour certaines d’entre elles, comme étant des précurseurs du surréalisme. Désormais il est un autre poète contemporain qu’il convient de rajouter à ces amateurs d’insolite. Il s’agit de Pablo NERUDA.
Prix NOBEL de littérature en 1971, Pablo NERUDA est né le 12/07/1904 à PARRAL Chili, décédé le 23/09/1973 à Santiago du Chili. Dans ses mémoires : « J’AVOUE QUE J’AI VÉCU », publiées en 1975 par GALLIMARD, traduite de l’Espagnol par Claude COUFFON, il nous explique, que vers l’âge de 8 ans, il avait découvert dans sa maison une malle pleine d’objets fascinants. Laissons-lui la parole :
« Je conserve un autre souvenir de cette malle : le premier roman d’amour qui me passionna. C’étaient des centaines de cartes postales envoyées par quelqu’un qui signait Enrique ou peut-être Alberto et qui, toutes étaient adressées à Maria THIELMAN. Ces cartes étaient merveilleuses. Elles reproduisaient les portraits des grandes artistes de l’époque, sertis de paillettes et sur lesquels on avait collé parfois une poignée de cheveux. Il y avait aussi des châteaux, des villes et des paysages lointains. Durant des années je ne m’intéressais qu’aux images. Mais devenu plus grand, je me mis à lire des doux messages si parfaitement calligraphiés. Je me suis toujours imaginé que le galant en question portait un chapeau melon, avait une canne et un brillant épinglé à sa cravate. Pourtant les lignes que le voyageur écrivait et envoyait de tous les coins du globe enthousiasmaient par leur passion. C’étaient des phrases éblouissantes et pleines d’audace amoureuse. Je commençai à m’éprendre à mon tour de cette Maria THIELMAN que je me représentais comme une actrice dédaigneuse sous son diadème de perles. »
Pablo NERUDA
Pour ceux qui en douteraient encore, c’est un peu la démonstration que poésie et cartophilie font souvent bon ménage.
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