En 1904, les cartes postales illustrées connurent un tel succès auprès du public, qu’une rivalité s’instaure entre revendeurs occasionnels et marchands professionnels.
Ces derniers voyant s’évaporer une partie de leur bénéfice par le biais des kiosques à journaux, décident d’adresser une pétition à leurs élus.
Le Bulletin de la Papeterie n°2 de Février 1904 en rend compte auprès de ses lecteurs :
« MM.Maury, Piegeon-Laurençon et tous les autres marchands de cartes postales en boutique, ont adressé à MM. Georges Berry député, et Gaston Mery, conseiller municipal, une pétition demandant que le règlement interdisant aux kiosques la vente des cartes postales fut rigoureusement appliqué.
Les marchandes de journaux des boulevards sont consternées par la mesure qui les frappe. Elles ont dû, en effet dans le délai de huit jours, faire disparaître toutes les cartes postales de leur étalage.
Elles viennent d’envoyer une pétition au Conseil Municipal pour lui demander de revenir sur sa décision par laquelle il leur est interdit complètement de vendre ces cartes.
– Cette mesure, nous dit la propriétaire du kiosque du passage Jouffroy, nous cause un préjudice énorme, car les cartes postales étaient pour nous d’un très bon rapport.
Les éditeurs et les marchands disent :
– Nous payons une patente énorme de 1.200 francs, nous avons un loyer de 10.000 francs, et vous devez comprendre que, dans ces conditions, nous nous défendions. Si comme dans certains kiosques les marchandes de journaux s’étaient contentées de vendre des cartes postales d’une façon accessoire, mettez même pour cinq francs par jour, nous n’aurions jamais rien dit.
Mais il est des tenancières qui ne s’occupent plus pour ainsi dire des journaux ; elles vendent des cartes en gros, bien mieux, certaines d’entre elles, que je pourrais vous nommer, édite elle-même des cartes postales qu’elle place toute la journée.
Quant à MM. Georges Berry et Gaston Mery, ils n’ont fait que demander de mettre en vigueur un règlement, sans prendre parti pour ou contre. »
C’est ainsi que le commerce des cartes postales fait son entrée dans le débat politique. Pour ce qui est des créateurs des cartes, elles-mêmes, ils n’avaient pas attendus cette pétition pour exprimer leurs opinions de la gauche à la droite, sur tous les sujets qui agitaient peu ou prou la Chambre des Députés.
Les éditeurs de cartes postales se sont peu intéressés aux représentations de kiosques à journaux, estimant qu’ils faisaient partie du décor quotidien et à ce titre n’offraient rien de bien remarquable. On les découvre le plus souvent en observant les détails des rues de Paris ou des grandes villes de province. C’est le cas ci-dessous (à gauche) au pied de la Porte Saint-Denis, sur ce cliché pris à la belle saison, les messieurs sont en canotier et le kiosque a abaissé son pare soleil.
Vous noterez que cette restriction de la vente des cartes postales ne s’appliquait qu’aux kiosques à journaux Parisiens où précisément on n’aperçoit pas de cartes. En revanche, il n’en était pas de même pour les kiosques à journaux de province où les cartes postales sont souvent mises en évidence.
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