Par ces temps où sévit la COVID, entraînant la fermeture des lieux de Culture et notamment les Musées, il existe cependant des Musées qui restent ouverts en permanence !
Certes, ils ne sont pas accessibles à tous, mais seulement à quelques privilégiés. Je veux parler des collectionneurs de cartes postales. Notamment ceux, qui pendant des années ont par passion recherché des cartes postales pour les ranger soigneusement dans leurs albums, ou dans des boîtes, constituant ainsi de véritables petits musées à leur usage personnel.
Les plus courants étant des musées « historiques » retraçant la vie de leurs ancêtres à travers une ville ou une région.
Les plus recherchés et les plus rares sont les musées « artistiques », constitués de créations de peintres ou d’illustrateurs, anciens ou contemporains.
Les amateurs d’art qui ont accumulé ce genre de cartes postales peuvent aujourd’hui, feuilleter leurs albums avec le plus grand plaisir, en attendant l’ouverture des grands musées où se trouvent exposées les œuvres originales.
Les cartes postales ont pendant longtemps été victimes d’un préjugé défavorable. On leur a reproché leur aspect trop populaire, trop conventionnel. Les critiques d’art bien-pensants disaient d’un tableau qui n’avait pas leur faveur : « Cela a été peint par un peintre pour cartes postales ». Il en était de même du marché de l’art qui dédaignait les cartes postales en raison de leur format qui ne correspondait en rien aux standards habituellement utilisés dans ce domaine pour justifier un prix de vente ou une « côte ».
Ces mêmes détracteurs ont totalement passé sous silence, le fait que les cartes postales étaient un formidable média qui permettait de mettre à la disposition du plus grand nombre un accès aux œuvres d’art, à l’époque où la télévision n’existait pas. Combien de gens, dans le monde n’ont jamais pu visiter le Musée du Louvre, n’ont jamais vu LA JOCONDE, mais en connaissent les traits uniquement par sa reproduction en carte postale ? Il en est de même pour de nombreux chefs d’œuvre photographiés et vendus sous forme de cartes postales par l’administration des musées. Et encore, je n’ai évoqué jusqu’ici, que des œuvres connues et reconnues comme émanant de Maîtres dans leur domaine.
Encore plus paradoxal, il faut noter que ces mêmes détracteurs peuvent tomber en admiration à propos de n’importe quel gribouillis au verso d’une carte postale pourvu qu’il puisse être attribué à un peintre célèbre. Je ne cite personne mais si vous disposez de la somme de 166000 € (plus les frais) pour acquérir une vue générale de la Ville de Pau, cherchez un peu sur le Net et vous aurez la réponse.
Mais les collectionneurs de cartes postales le savent très bien, il existe en marge de cette production quasi « officielle » des œuvres d’art, une quantité incroyable d’artistes connus ou inconnus (10.000 au moins selon l’Argus NEUDIN consacrés aux illustrateurs) qui ont créé des cartes postales dans tous les styles et pour tous les goûts, qu’il s’agisse de graphistes ou de photographes. C’est bien évidemment dans cette production différente de la production la plus courante, que peuvent se découvrir des curiosités et des artistes originaux. Le plus souvent à des prix très abordables ou parfois dérisoires. C’est l’avantage du collectionneur qui dispose de peu de moyens financiers. À lui les boîtes de drouille ! À lui la surprise de la découverte des sujets insolites boudés par la mode !
Il lui faudra compter avec le temps et avec la chance. À chacun sa méthode pour partir en quête d’émotions pour trouver au milieu de centaines de cartes n’offrant que peu d’intérêt, le mouton à cinq pattes.
Après avoir éliminé les cartes destinées à la célébration des fêtes incontournables et qui se ressemblent toutes, par exemple Noël et ses sapins enguirlandés, ou ses chaumières à la cheminée fumante sous la neige, Pâques avec ses œufs et ses cloches, le 1er Mai et son brin de muguet (tout en tenant compte qu’au milieu de ces poncifs, il est possible de rencontrer des perles), il faudra explorer tout le reste, en gardant présent à l’esprit que l’artiste a volontairement choisi de s’exprimer de préférence sur une carte postale plutôt qu’un tout autre support.
En fait, dans ce domaine le collectionneur devient un véritable amateur d’art et découvreur de talents. À chacun selon ses centres d’intérêt et selon ses propres critères. L’essentiel étant de se faire plaisir. Car si chaque carte postale possède sa propre histoire au moment précis où elle est choisie par un collectionneur, c’est une histoire supplémentaire qui vient s’y ajouter. Celui qui a « craqué » à un moment donné pour acquérir une carte postale se souviendra toujours de l’instant de cette trouvaille, qu’il s’agisse d’une carte découverte dans une vieille malle au marché aux puces, ou d’une carte achetée de haute lutte dans une vente aux enchères.
Les belles cartes postales sont un peu comme les jolies femmes. Elles ont su nous séduire à un moment précis par leur apparence. Mais des années plus tard, quand l’effet de surprise s’est atténué, quand bien même leur éclatante beauté se serait un peu fanée, pour certaines d’entre-elles, il subsiste une qualité essentielle : le charme !
Il m’est arrivé personnellement, en fouillant dans mes boites, de redécouvrir des cartes postales achetées il y a fort longtemps. J’ai constaté que ces cartes postales qui avaient su me plaire à un moment donné, avaient gardé tout leur charme. En les revoyant, j’avais l’impression de retrouver des amis fidèles. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de tous les gens que j’ai eu l’occasion de côtoyer au cours de mon existence.
Ainsi donc, chacun peut se constituer son propre musée de petits trésors cartophiles. Le mieux étant (comme dans un musée traditionnel) de s’intéresser à l’histoire de ses trouvailles : ce qu’elles évoquent, leurs auteurs, leurs éditeurs, leurs techniques de fabrication, tout peut devenir un sujet de curiosité. C’est ainsi que chacun peut enrichir sa culture générale. Et comme bien souvent on n’obtient pas facilement la réponse à toutes les questions que l’on se pose à leur sujet, il reste toujours une part de mystère qui entretient la passion.
Bien sûr ces petits musées personnels peuvent être partagés et s’enrichir des connaissances d’autres collectionneurs. C’est la raison d’être de nombreux Clubs et Associations.
Quand on sait que la plupart des grands musées nationaux ont été constitués à partir de donations de collections privées, alors la boucle est bouclée.
J’avoue que j’ai commencé à m’intéresser aux cartes postales, à la fin des années 1960. Non pas par nostalgie d’une époque que je n’avais pas connue, mais par simple curiosité. On trouvait alors de nombreux albums qui sortaient des greniers pour finir leur vie échoués dans les marchés à la brocante. Il y avait un choix immense qui n’existe plus aujourd’hui. Sauf que, à celui qui sait bien observer, on peut trouver des cartes dites « semi modernes » ou contemporaines tout à fait dignes d’être collectionnées et pour un prix modique.
Comme vous le savez, l’utilisation des cartes postales en tant qu’objet de correspondance est en perte de vitesse. Les productions contemporaines sont moins abondantes puisqu’il n’y a plus d’utilisateurs. Mais rien n’empêche de nos jours, de se constituer son propre musée en puisant dans cette production. Tout est une question de choix personnel. Tout se situe dans les regards que l’on porte sur ces bouts de carton. Il existe encore des artistes qui s’expriment sur ce support. Car si les cartes postales ne sont plus d’un usage courant, l’art, sous toutes ses formes ne cesse d’exister.
Et votre petit musée personnel ne vous trahira jamais, même si tous les musées restent fermés au public depuis plusieurs mois.
Il y a des milliers de gens qui habitent à proximité de musées prestigieux, qui passent tous les jours devant, et qui n’ont jamais mis les pieds à l’intérieur. Persuadés qu’ils ont le temps… qu’ils verront cela plus tard… Il suffit que ces musées se trouvent interdits au public pour qu’ils ressentent comme une frustration, un sentiment de privation de liberté.
On constate le même phénomène avec toutes les beautés qui nous entourent. À force de trouver cela tout naturel, on ne les voit plus, on les ignore.
Peut-être, mais je dis bien peut-être que les mornes journées que nous vivons en raison de cette pandémie, nous feront prendre conscience du formidable patrimoine qui s’offre à nous.
Alors ne désespérons pas… Les beaux jours reviendront.
Buffoni
1 18 avril 2021Article très réaliste et actuel en cette année 2021. Je me replonge dans mes petites collections personnelles…..et comme vous je suis toujours émerveillée de redécouvrir ce que j ai accumulé au fil des années.
Merci pour vos publications qui restent une fenêtre ouverte et un contact visuel sur le monde extérieur.
Marie-Thérèse BUFFONI
pierre Uga
1 18 avril 2021Nous arrivons à un moment de résurrection pour la carte, ayant lu par ci par la que la reprise revenait doucement. C’est très bien.
Deflandre Christian
1 18 avril 2021Bonjour Madame BUFFONI et merci de votre message. Cordiales salutations cartophiles, C.D.