Avant 1914 de nombreux mouvements ouvriers et diverses grèves, tant à Paris qu’en province donnèrent lieu à l’édition de cartes postales soit pour soutenir les grévistes, soit plus simplement sous forme de reportage pour évoquer l’évènement.
Dans une France qui s’industrialisait chaque jour un peu plus, les luttes revendicatives étaient fréquentes dans le monde du travail. Elles prenaient parfois d’étonnantes tournures. Ce fut le cas dans les Grands Magasins DUFAYEL. Pourtant M.DUFAYEL lui-même, fondateur de ses Grands Magasins à Paris, comportant vingt succursales dans toute la France, passait pour un patron bienveillant et philanthrope. Son personnel était mieux payé que chez ses concurrents. Les magasins étant fermés le dimanche, ses 2000 employés bénéficient du repos hebdomadaire avant que la loi ne l’impose pour tous. Chaque année il donne une fête grandiose pour son personnel qui s’achève par le tirage d’une loterie offrant comme gros lot une maison de campagne meublée ! Si l’une de ses employées se marie, M.DUFAYEL lui offre sa toilette de noces et 100 francs par année de présence. Si elle devient mère elle reçoit 75 francs plus 50 francs pour payer la nourrice pendant six mois.
En dépit de ces largesses, au milieu de l’année 1905, fut créé un Syndicat des employés des administrations et grand magasins DUFAYEL.
M.DUFAYEL avait avec ce Syndicat des rapports empreints de cordialité, accordant une pause repas d’une heure et demie (au lieu d’une heure chez ses concurrents) un minimum de salaire pour les employés, aucun renvoi qui ne soit effectué sans être jugé par un conseil d’enquête.
Cependant si M.DUFAYEL savait prêter une oreille attentive aux revendications syndicales, ce n’était pas le cas de deux Chefs de service : MM LEFEVRE et SACKSTEDER dont « l’attitude arrogante et les procédés vexatoires, constituaient, au dire des employés syndiqués, une atteinte constante à la dignité du personnel et à la liberté syndicale ».
Le 18 décembre 1905, une délégation demanda à M.DUFAYEL de « déplacer » ces deux Chefs de Service. M.DUFAYEL ayant répondu négativement, un mouvement de grève commença le jour même.
La permanence du Comité de grève, incita 17 succursales à cesser le travail : Juvisy, Creil, Versailles, Rouen, Compiègne, Soissons, Beauvais,…
La grève fut de plus en plus suivie. Or le grand succès des Magasins DUFAYEL reposait sur des ventes à crédit de toutes sortes de marchandises. Les clients payaient leur crédit par tranches qui étaient collectées par des receveurs qui venaient à intervalles réguliers à leur domicile.
Le Comité de grève décida que désormais les 400 receveurs des Magasins DUFAYEL feraient leur collecte non plus au bénéfice de l’Administration du Magasin, mais pour alimenter la caisse des grévistes !!! Par ailleurs, l’Harmonie DUFAYEL (composée d’employés) ira donner des concerts dans les cités ouvrières et quêter pour les grévistes.
Le 22 décembre, le Comité de Grève, revendiquent le « déplacement » des deux Chefs de service à M. NOBLE, juge de paix du 18ème arrondissement, qui offrait sa médiation.
M.DUFAYEL refusa l’arbitrage du Juge faute de bases de discussion. Et concernant le déplacement des deux chefs il renouvelle son refus. Il décide que les magasins seront fermés le dimanche 21 et le lundi 25 jour de Noël. Et enfin il ordonne que le mardi 26 décembre tout le monde reprenne son travail, en précisant que « les employés qui n’auraient pas rejoint leur poste seraient considérés comme démissionnaires et immédiatement remplacés ».
Le 26 décembre à neuf heures, les employés se tenant pas la main et formant un monôme, pénétrèrent dans les magasins par la porte de la rue Clignancourt. Après avoir fait le tour des rayons, ils ressortirent, toujours en monôme, pour entreprendre une réunion dans les locaux du Rocher Suisse.
Le 28 décembre, M.DUFAYEL n’ayant rien cédé, les grévistes acceptèrent de reprendre leur travail.
Beaucoup de bruit pour rien. Et il faut lire la conclusion de cette affaire, dans la Revue Populaire d’Economie Sociale de 1906, sous la plume d’un certain A.ARTAUD :
« La grève avait duré dix jours. Elle se terminait sans qu’aucune satisfaction même morale soit accordée aux grévistes. Une question d’amour-propre, de dignité personnelle, l’avait suscitée et voici que les grévistes étaient obligés de reconnaître la bienveillance patronale et d’exprimer leur reconnaissance de l’amnistie consentie par M.DUFAYEL. Piètre résultat qui atteste une fois de plus combien il est dangereux d’engager des conflits pour des motifs secondaires ».
S’agissant de l’avis d’un spécialiste d’Economie Sociale, nous ne pouvons que nous rendre à son avis.
Et comme en France tout finit par des chansons on peut entonner la Marche des Receveurs, Paroles de Gaston GOUTE, Musique de RENOIR, tous deux employés aux Magasins DUFAYEL.
témoignage
Joana Furió
1 17 août 2016Extraordinaire information. J’espère pouvoir visiter votre musée au plus tôt possible.